La guerre des droits

En novembre et en décembre de l’année qui s’achève, notre pays a été assez fortement perturbé par les diverses formes de protestation organisées par les syndicats contre les mesures annoncées par le Gouvernement de Charles Michel.

Les «perturbations» ont commencé par la manifesta- tion nationale organisée à Bruxelles le 6 novembre qui s’est terminée par les scènes de quasi guérilla urbaine dans les environs de la gare du midi. Se sont succédées, ensuite, les grèves provinciales du lundi dont l’impact a dépassé à chaque fois les limites territoriales auxquelles elles étaient censées se limiter.

Le couronnement (provisoire?) a été la grève générale organisée le lundi 15 décembre dont on doit reconnaitre qu’elle a été largement suivie dans tout le pays.

A l’occasion de ces perturbations, a refait surface le débat, jamais achevé, qui oppose les partisans du droit de grève à ceux qui défendent le droit au travail et à la liberté de circulation. Au risque de déplaire, je voudrais vous faire part de ma position personnelle à ce sujet.

Le droit de grève ne peut pas être mis en cause. Il a été obtenu de haute lutte par les travailleurs et certains ont payé de leur vie au 19ème siècle le fait de le revendiquer. Contrairement à ce que pensent certains, d’ailleurs, il ne concerne pas seulement les ouvriers et les employés. Notre pays a connu une grève des médecins, des avocats ont fait la grève des pro deo,…

En un mot comme en cent, le droit de grève est un droit citoyen.

J’ajoute qu’au cours du temps, la loi est intervenue pour encadrer la manière de l’exercer. Une grève est «légitime» dans notre pays lorsqu’elle a été précédée de toute tentative préalable de conciliation et d’un préavis qui en indique les périmètres et la durée. Normalement d’ailleurs, les indemnités de grève ne sont versées aux grévistes par les syndicats qu’à la condition que ces formes soient respectées.

Le droit au travail est lui aussi un droit fondamental. Tout serait donc simple si les gens qui veulent travailler croisaient dans la plus parfaite convivialité ceux qui ont décidé de faire grève.

La situation est malheureusement beaucoup plus com- plexe du fait de l’existence des piquets de grève. Ceux-ci ne sont pas réglés par la loi et la justice ne traite les cas qui lui sont soumis qu’avec une prudence de Sioux.

Personnellement, je dirais ceci. Un piquet de grève est légitime lorsque ceux qui le composent s’efforcent pacifiquement de convaincre leurs confrères désireux de travailler de ne pas le faire. La réalité est loin de cette image idyllique. Les piquets de grève sont, en réalité, des barrages humains, parfois très musclés, qui em- pêchent les accès non seulement à leurs entreprises, mais à un zoning tout entier. Et que dire des barrages filtrants devant les cliniques et les hôpitaux qui retardent l’accès non seulement du personnel mais aussi des patients venus pour recevoir des soins. Dans tous ces cas, je considère que l’action des piquets de grève est abusive et illégitime.

Malheureusement, il y a de nouvelles formes d’action que je trouve tout aussi inacceptables. Il s’agit des piquets de grève qui, positionnés aux accès des autoroutes, à des carrefours stratégiques,… bloquent purement et simplement la circulation. Là, il y a une entrave carac- térisée à la liberté de circulation que personnellement, comme beaucoup de citoyens, je réprouve totalement et dont j’estime qu’elle devrait être sanctionnée.

Faut-il pour autant le faire par la loi? Peut-être in fine faudra-t-il en arriver là. Mais auparavant, il serait souhaitable d’épuiser les voies de la concertation pour éviter toute forme de radicalisation de part et d’autre.

Faire le matamore ça plaît à certains. Trouver les bonnes solutions par les bonnes procédures, c’est meilleur pour tous.

Allez bonne année 2015. Sans grève, si possible.

(Le mot de Gérard Deprez, publié dans L’Echo du citoyen de janvier/février/mars 2015)

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